Jeudi 11 juin à 19h
Centre de la culture visuelle / 44, rue Glybotchiska, 1er étage
l’Institut français d’Ukraine et le Centre de la culture visuelle invitent à la deuxième conférence du cycle « Migrations, identités, territoires » conçu en collaboration avec le Centre d’études franco-russe (CEFR).
Ces dix dernières années, les sociologues parlent de l’apparition et de la généralisation d’une nouvelle forme migratoire, la transmigration. Nouvelle, parce que de nature différente de celle, toujours dominante, de la mobilisation internationale de la force de travail. Nouvelle, car elle génère des statuts et des destins collectifs qui échappent aux projets des États nations et à leurs injonctions aux processus d'intégration. Nouvelle aussi parce qu’elle propose des contrastes sans précédent entre officialité et invisibilité, entre mobilités et enracinements, entre lieux et mondes, entre identités et altérités.
Les transmigrants sont ces migrants issus soit de pays pauvres (Balkans, Caucase, Proche et Moyen-Orient, Maghreb, Amérique Latine), soit des populations pauvres de pays riches, qui effectuent des parcours de plusieurs milliers de kilomètres dans diverses nations avant de revenir chez eux, avec pour principale activité la vente de produits de contrebande ou de services. Sortes de colporteurs contemporains qui vendent aux populations pauvres – le poor-to-poor ou l’entre-pauvres.
Ce phénomène permet à des grandes entreprises internationales de conquérir l’immense marché mondial des pauvres. A la mobilisation bien connue, au service de l’omniprésente mondialisation, d’élites professionnelles internationales, s’ajoute donc celle, bien moins identifiée, de populations pauvres : le « poor to poor », l’ « entre pauvres », se déploie mondialement avec comme arrière-fond les grandes firmes multinationales. Les entreprises trans, multi, inter nationales, qui composent le substrat matériel de l’insaisissable mondialisation, aiment l’argent des pauvres : ils sont tellement plus nombreux que les riches. Les grands acteurs économiques de la mondialisation ont donc besoin des pauvres non seulement comme clients, car il est possible et lucratif de produire des marchandises à leur portée, mais encore comme entrepreneurs du monde occulté de l’économie souterraine, comme passeurs, hors des règles et des lois des circulations officielles.
Enseignante-chercheure à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, Lamia Missaoui est sociologue et anthropologue. Ses thèmes de recherche concernent, entre autres, les mobilités professionnelles internationales, l’apparition d’initiatives économiques durant la migration et des conditions et formes des mixités sociales entre migrants étrangers et indigènes exclus de l’insertion économique dans l’espace des villes européennes.
Entrée libre
Avec traduction consécutive en ukrainien